By Anthony Nugan on jeudi 5 janvier 2012
Category: Politique

YOUSSOU NDOUR “Je suis prêt à donner ma vie pour le Sénégal”

YOUSSOU NDOUR, CANDIDAT A LA PRESIDENTIELLE - INTERVIEW EXCLUSIVE AVEC "ENQUETE"
“Je suis prêt à donner ma vie pour le Sénégal”
Déterminé, Youssou Ndour, candidat déclaré à la Présidentielle de 2012 l’est. Au timbre de sa voix comme à la force du regard. Le lead vocal du Super Étoile, Président du Groupe Futurs Médias, compte bien peser sur la balance électorale de 2012. Il parle de ses forces, évoque les tentacules de son réseau, ses jeux d’alliances, les enjeux de la présidentielle de février, le lancinant problème de la candidature du Président sortant Me Abdoulaye Wade etc.
Youssou Ndour, né le 1er octobre 1959, ne compte pas, au zénith de sa vie, jouer au manchot le 27 février prochain. Il promet, non des outsiders, mais de peser sur la balance pour une alternance profitable au peuple sénégalais. Et pour cela, il se dit prêt à aller le plus loin possible. Au péril même de sa vie...

Vous avez déclaré depuis avant-hier votre candidature à la présidentielle de 2012. Au lendemain de cette déclaration, est-ce qu’on peut avoir une idée de votre état psychologique. Youssou Ndour est-il stressé, inquiet par rapport à l’avenir  ?

Ah non, pas du tout. C’est vrai, il y a une chose qui s’est passée, je dois le reconnaître. Lors de mon discours du 26 novembre, j’avais dit : “Je vais respecter mes engagements artistiques. Mais qu’à partir du 2 je suis indisponible”. Tout de suite alors, la presse a repris en disant qu’il va parler le 2 janvier. Donc, je ne voulais pas revenir pour dire non. En fait, je voulais prendre deux jours pour me calmer et me préparer. C’est cela qui a expliqué un petit peu que c’était un peu tendu pour arriver à faire le message. Et on l’a fait, et cela s’est très bien passé.

Maintenant, après ce message j’étais agréablement surpris de la réaction des gens. Hier (avant-hier), jusqu’à 1h du matin, j’étais aux Parcelles assainies. On m’a appelé pour me dire qu’il y a une manifestation. J’y suis allé et j’ai vu qu’il y avait plus de cinq mille personnes. Tout le monde m’a appelé. Les téléphones ont explosé. Depuis ce matin (hier), je suis en train de parler à la presse que ce soit là ou la presse internationale. Comme nous avions parlé d’une exclusivité de l’EnQuête, c’est pour cela que je ne parle qu’avec vous. J’ai donc respecté ma promesse. Mais, pour en revenir à votre question, je me sens très bien. Je ne suis pas du tout inquiet de l’avenir. Je suis confiant et serein.

On a l’impression que vous êtes un peu tendu...

(la moue étonnée). Ah non du tout ! Je suis juste un peu trop occupé. Mais je travaille et j’avance.

Mais dites-nous, n’êtes-vous pas un peu inquiet par rapport aux potentielles attaques qui risquent de tomber du fait justement de votre déclaration de candidature à la présidentielle de 2012 ?

Non, seulement j’ai prévu de les supporter ; mais je veux moi attaquer. Et puis quoi, vous savez bien qu’on m’attaque depuis très longtemps. Ce n’est pas maintenant qu’on a commencé. Ça, c’est clair. Directement ou indirectement, j’ai toujours subi. Mais jusqu’ici, c’est le pouvoir qui m’attaque. Ce n’est pas l’opposition qui m’attaque. On verra bien si l’opposition va m’attaquer ou pas.

Vous êtes dans l’arène politique, donc vous devez…

(Il coupe). Oui, je sais. Comme je vous l’ai dit, je suis habitué aux attaques. Mais il faut quand même que je fasse une précision. On dit que la politique, c’est de la saleté, mais moi je veux la rendre propre. Nous ne sommes pas dans un royaume. C’est une République, on vous délègue des pouvoirs, vous ne pouvez pas prendre cet Etat, l’utiliser contre un candidat. Moralement, ce n’est bon. Moi, je me demande des fois si on parle d’étude ou d’éthique. Comment peut-on combattre son adversaire par les moyens de l’État par un État ? Non, je ne vois pas comme ça, et je ferai face. Croyezmoi, je sais me battre.

Au tout début pourtant, vous aviez déclaré que vous n’alliez pas vous présenter à la présidentielle. Qu’est-ce qui explique ce revirement de discours ? N’avez-vous pas le sentiment que votre candidature est une candidature de trop ?

D’abord, j’avais déjà annoncé la naissance à “Sciences Pô” à Paris mon mouvement “Fekke ma ci boole”. Je l’ai dit juste à la fin d’une rencontre avec la presse. Mais j’ai vu l’ampleur. Je n’ai jamais fait de publicité. Je n’ai jamais fait d’affiches, ni de congrès ni de meeting. Mais tout le monde sent “Fekke ma ci boole”. Cela a été repris par le peuple. Et c’est le peuple qui me parle toujours. Depuis cette année-là j’ai continué à rencontrer les gens de façon directe ou indirecte. Ce sont des centaines de milliers de personnes qui me parlent. La majorité de ces gens appelle à ma candidature. Comme je l’ai dit, j’ai accepté la demande qui est venue du peuple. Maintenant pour répondre à votre question, ma candidature n’est pas une candidature de trop. Pourquoi le serait-elle ? Pourquoi pas ceux qui se sont déclarés avant moi et ceux qui vont le faire après moi. Ma candidature était devenue nécessaire parce que c’est le peuple qui le demande. Vous pouvez me croire, je sens quand le peuple veut quelque chose. D’abord cette candidature crée des chamboulements. Quand même, il y a une nouvelle lecture de la politique à partir de ma candidature. Ça, c’est une chose. Ceux qui se disaient qu’ils allaient gagner les élections au premier tour savent que moi, Youssou Ndour, je vais gagner au premier tour. Qu’ils se le tiennent pour dit, je suis là pour leur barrer la route.

Qu’est-ce qui vous le fait dire, qu’est-ce qui explique votre optimisme  ?

Mais parce que moi, je dis haut ce que le peuple dit tout bas. Le peuple le dit. La majorité des Sénégalais ne veulent plus de ce système. Beaucoup de nos candidats (je ne vais pas les critiquer du tout), ont eu quand même à gérer un moment ce pays. Et les résultats sont là. Les gens veulent changer de modèle. Et c’est une révolution silencieuse. Ils vont bouffer l’argent des gens qui le leur donnent et ils vont voter Youssou Ndour. Vous allez voir, je vais gagner au premier tour. C’est ça la vérité et l’avenir nous édifiera. Vos fans sont partout. Ils sont du Ps, du Pds, de Rewmi, de l’Afp, etc, peut-être même apolitiques.

Pensez-vous que vos fans vont pouvoir se déterminer facilement et vous choisir comme leur candidat ?

D’abord, je dois dire que j’ai été attentif à une sortie d’une personne que je respecte beaucoup, c’est le rappeur Dug E Tee qui a dit : il a les compétences et a le droit de se présenter. Mais il faut qu’il parvienne à convaincre les Sénégalais. Mais je suis prêt. C’est ce que je suis en train de faire. Ce que je dis, personne ne le dit. Mon modèle est nouveau. C’est ça que je suis en train de faire avec vous-même à l’instant... On ne m’a jamais vu faire des débats directement avec d’autres gens et parler de mon programme. Je vais convaincre les Sénégalais. Et si on me parle d’appareil, j’ai le plus vieil appareil politique de ce pays. Plus de 30 ans. J’ai des amis partout moi. Je suis capable de mettre dans chaque bureau de vote quelqu’un qui est là pour moi.

Ce que vous avez est bien différent d’un appareil quand même. Un appareil, c’est quelque chose qui est structuré.

Mais c’est structuré. C’est moi qui ai commencé à avoir ici “les amis de Youssou Ndour”. Tout le monde a vu ici quand il y a eu les amis de Jean Collin. Je les ai appelés pour leur dire : “Ecoutez-moi, je ne veux pas mêler mon truc à la politique. Enlevez-moi les amis de Youssou NDour et appelez-le “Fans club”. Vous savez ces gens-là sont encore là. Ils existent. Ils ont grandi avec ma musique. Ce sont des Sénégalais à part entière. C’est quoi, si ce réseau n’est pas un appareil. On se parle. Le monde a évolué. Vous avez sans doute une conception rétrograde de l’appareil. L’appareil maintenant, c’est “taf-taf” (Ndlr, ici et maintenant) et ce qu’on est en train de dire, le monde entier peut le connaître maintenant. J’ai un appareil plus performant que le leur. Et vous allez voir.

D’aucuns pensent que c’est l’animosité que vous nourrissez à l’endroit de Karim Wade qui serait peut-être à l’origine de votre engagement politique. Que répondezvous à cela ?

Non. Ce n’est pas ça.

Parce qu’il y a eu un bras de fer entre vous pendant très longtemps

C’est derrière moi. Je regarde l’avenir.

On va parler de votre profil. Vous avez dit dans votre discours que vous n’avez pas fait des études poussées. Vous ne pensez pas que cela constitue une zone de faiblesse ? Certains vous ont même caricaturé en évoquant Mbaye Dièye Faye comme le ministre de l’Intérieur. Quel commentaire en faites-vous ?

Je rappelle d’abord que le président de la République n’est pas un métier, c’est une fonction. J’ai voulu évacuer cette question des grandes études. J’assume tout ce que j’ai fait en tant qu’artiste, mais la fonction de président de la République n’a rien avoir avec le showbizz. C’est autre chose. Notre équipe commence à se former. Sans parler de l’équipe silencieuse où on retrouve des dinosaures. C’est peut-être trop dire. Mon point fort, tout le monde l’a reconnu, c’est de recruter les meilleurs dans tous les domaines. Je suis un bon manager ; je sais recruter les bonnes personnes et les résultats sont là. “Weddi gis boku ci” (on ne peut pas nier l’évidence). Le journal Le Monde a dressé aujourd’hui votre portrait et vous a peint comme un opposant proche du pouvoir. Vous savez, les commentaires vont bon train. J’ai eu à développer le 26 novembre ma vision et critiquer le pouvoir au vrai sens du mot. Je suis venu à Thiès pour marquer mon opposition par rapport à la candidature de Wade. J’ai livré mon message en tant que sympathisant du M23. Je veux qu’on me juge sur pièces et non sur la base de rumeurs. Vous savez bien qu’on raconte tout sur tout le monde ici. Mais cela n’a souvent rien à voir avec la réalité. La première chose que je vais demander à ceux qui parlent ainsi est de s’intéresser à la non-candidature d’Abdoulaye Wade. L’Occident n’a qu’à lui dire la vérité. Le Monde n’a qu’à écrire sur la non-candidature. Le texte de notre Constitution est clair. Il n’en a pas le droit, pourquoi le laisserait-on faire ? On l’a autorisé à aller à Benghazi et à dire à Kadhafi ce qu’il lui a dit ? Pourquoi, eux ne peuvent pas le lui dire. Ils nous mettent dans une situation d’incertitudes. Mieux vaut prévenir que guérir. Je ne suis pas d’accord avec eux. Je ne suis pas proche du pouvoir. Je veux que Wade, qui a fait ce qu’il a pu, sorte par la grande porte. Je le lui ai dit. Ils n’ont qu’à le lui dire. Les élections se passent au Sénégal, il est vrai, mais la communauté internationale, c’est l’alliance des pays. Le Sénégal a signé des accords, il est présent dans des institutions. Elles n’ont qu’à lui dire la vérité. C’est tout ce qu’on attend d’elles...

A vous entendre, on a l’impression que vous êtes pour l’ingérence. Pour que les puissances occidentales participent effectivement à la gestion des affaires sénégalaises ?

Écoutez, il faut bien qu’on nous explique ce que veut dire le mot ingérence. Dans la mesure où, si quelqu’un essaie de brimer son peuple, les occidentaux n’en parlent pas. Ce qu’on fait à Assad, c’est quoi ? Moubarack, Kadhafi, Gbagbo. Ils n’ont qu’à respecter la donne. Il ne faut pas qu’il y ait deux poids, deux mesures. Je veux un message clair. Il n’en a pas le droit, il faut qu’on le lui dise. Mais je me dois de faire une précision  : je ne suis pas un violent. J’ai même sorti une chanson dans laquelle je donne des conseils. Les autres ont aussi leurs moyens d’actions. Chacun doit s’y mettre pour qu’il revienne à la raison. Le président Wade mérite de sortir par la grande porte. Je le lui ai dit face à face.

Et les perspectives d’alliances ? Il semble bien que vous étiez sur le point de vous associer avec Gadio et Bara Tall. Est-ce qu’on peut avoir une idée sur l’état de ces tractations politiques ?

Bara, c’est un ami. Cheikh Tidiane Gadio est depuis longtemps un ami. Aujourd’hui, il est question de travailler pour gagner les élections. Je n’exclus pas les alliances. D’ailleurs, cette nuit même (ndlr, hier) avec Mounirou Sy (Constitutionnalitse), nous allons créer notre premier pôle d’alliance dont le nom sera dévoilé. À partir de ce moment, nous allons autoriser toutes les formes d’alliance. Il y en a qui frappent à la porte. Ce n’est pas la peine de donner les noms. Mais, il y en a également qu’on va aller chercher. À partir de demain, nous allons examiner toutes les formes d’alliances possibles.

Vous donnez aujourd’hui l’image d’un homme accompli. Pourquoi vous voulez coûte que coûte briguer le suffrage des Sénégalais ? Autrement dit, qu’est-ce qui fait courir Youssou Ndour ?

Comme disent les Sénégalais “man namouma dara” (ndlr, je ne manque de rien). J’ai bien travaillé dans ma vie, j’ai bien travaillé pour mes enfants. Je ne cours pas, ce sont les Sénégalais qui courent, qui triment, qui m’ont réclamé. J’ai des images très fortes que je n’ai pas voulu passer sur Tfm. Ce sont des millions de personnes qui me demandent de m’engager. J’ai parcouru le Sénégal, et vous pouvez aller leur demander. Je me sacrifie pour mon pays qui m’a tout donné. Si le Sénégal me demande quelque chose, c’est bien plus fort que moi.

Jusqu’où comptez-vous aller. Est-ce que vous êtes prêts par exemple à aller en prison pour votre pays ?

Je suis prêt à donner ma vie pour mon pays. Je ne suis rien par rapport au pays. Comme je l’ai dit, je dois tout à mon pays. Je n’ai peur de rien. J’appelle les gens à tenir sereinement des débats. Je suis prêt à débattre. Maintenant, de prison, d’impôt n’a aucun sens dans le contexte actuel... Le peuple a délégué un pouvoir à un homme. Alors on ne peut prendre ce qu’on vous a délégué pour combattre un candidat qui cherche la même chose que vous. Moralement, ce n’est pas bien. Je suis prêt et vigilant et je ne suis pas seul.

Si vous n’êtes pas admis au second tour, est-ce qu’on peut s’attendre à ce que vous souteniez Wade si sa candidature est validée bien sûr ?

Je suis de ceux qui pensent que Wade ne peut pas être candidat à l’élection. Je ne peux pas commenter un plan B. Je suis sûr que si mon message passe, je gagne au premier tour. Mais par extraordinaire, si je me retrouve au second tour, je suis forcément l’arbitre de ces élections. Je serai, nous serons, devrais-je dire (au rendez-vous) parce que la majorité est silencieuse. Tous les gens qui acceptent de prendre l’argent, on les a mis dans une situation de besoin. Mais devant l’urne, ils voteront pour le candidat de leur choix.

Que pensez-vous de l’affaire Barthélémy Dias ?

Il faut que justice soit faite mais en toute impartialité. Il ne faut pas que l’enquête soit menée dans un seul sens, mais dans tous les sens. Aujourd’hui, on doit être vigilant ; nous ne voulons pas d’élection dans la violence. Mais une élection pacifique ou violente, ça dépend de la justice. Si la justice dans le cadre de cette élection ne peut pas aller très rapidement, on se posera des questions. Pour en revenir à l’affaire Dias, c’est une question qu’il faut évacuer rapidement même s’il y a mort d’hommes, en interpellant les commanditaires, les assaillants. On a l’impression que ça ne se passe pas comme ça. C’est dommage. Mieux vaut prévenir que guérir.

Est-ce que vous avez pensé verrouiller votre entreprise. Vous avez un groupe de presse, un orchestre. Est-ce que vous ne pensez pas que votre engagement va déteindre sur le fonctionnement de vos deux structures ?

Le Sénégal est plus important que tout cela. Même si le Super Etoile reste mon coeur, le Sénégal est plus important, le Sénégal est plus important. Même si Futurs Média reste une fierté, le Sénégal est plus important. Même moi qui suis le propriétaire de ses biens, le Sénégal reste plus important que moi. Nous avons toujours géré les choses impartialement. Je ne vais pas utiliser mes médias pour faire quoi que ce soit. Vous allez voir dans quelque jours comment on va fonctionner. Je ne suis pas fou. Il faut que les gens arrêtent de penser que c’est un artiste qui se réveille. Je sais ce que je fais. Je vais poser des actes. Et personne ne saura ma stratégie par rapport à cette élection. Et chaque question a sa réponse

SOURCE: NETTALI

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