By Anthony Nugan on mardi 10 décembre 2013
Category: Web NEWS

S.E MURIEL BERST KOHEN, AMBASSADRICE DE LA SUISSE AU SENEGAL, PRESIDENTE DU COMITE D'ORGANISATION DE LA CONFERENCE DES AMIS DE LA FRANCOPHONIE «Si on a des conditions de vie acceptables dans son fief, on n’aspire pas à aller vivre ailleurs»

  Dakar va abriter ce mercredi 11 décembre 2013, un colloque international axé sur le thème « Quelle Afrique pour ces jeunes » où des experts de renom venant de différents horizons sont attendus pour débattre sur ce sujet d’actualité. Présidente du comité d'organisation de la conférence organisée par les   amis de la Francophonie, son Excellence Mme Muriel Berst Kohen, ambassadrice de la Suisse au Sénégal et présidente du comité d’organisation de la conférence a répondu à nos questions. Entretien…   Le thème de la rencontre est : «Quelle Afrique pour ces jeunes» ? Pourquoi pas l’inverse : quels jeunes pour l’Afrique ?

 
Rires… La conférence a pour sous-titre comment mieux développer les ressources naturelles du continent ? Nous nous intéressons au continent et la question c’et de savoir quelle Afrique on va pouvoir préparer pour les jeunes afin qu'ils prennent leur destin en main. Quand le groupe des amis de la Francophonie organise cette rencontre sur ce thème, son objectif est d’aider à former la conscience citoyenne des jeunes, des sénégalais en particulier. Pour cette conférence qui sera organisée le mercredi 11 décembre au grand amphithéâtre de l’Ucad II. Notre premier public ce sont les jeunes, les lycéens ainsi que tout public qui s’intéresse au sujet. Nous souhaitons contribuer à l’avènement d’une conscience citoyenne chez les jeunes. Il leur faut disposer d’informations, faire leur propre opinions sur ces  sujets qui seront débattus par des professionnels, des experts venant dans différents pays de la francophonie. En définitive, nous voulons, modestement, inciter les jeunes à s’intéresser aux sujets sociaux, politiques, économiques puisque ce sont eux qui seront les acteurs de développement de demain. Mieux, ce sont eux les futurs dirigeants des pays africains. Donc, il est dans notre intérêt à tous de les inciter à avoir l’esprit en éveil et une conscience citoyenne.
 
A quand un retour d’ascenseur à la jeunesse africaine qui a tant donnée ?
 
Je pense que l’éducation et l’enseignement sont une priorité des autorités. Donc cela me semble un sujet important pour la jeunesse. A partir du moment où ils deviendront des adultes, ils doivent prendre leurs destins en main, ils ne doivent pas attendre passivement que l’Etat ou quelqu’un d’autre le fasse pour eux. Ils doivent avoir un esprit d’initiative, un esprit ouvert. Le rôle des autorités et des associations comme le groupe des amis de la francophonie, c’est d’aider les jeunes à développer leurs consciences et créer un cadre qui facilite leur développement et leur formation pour prendre leur destin en main. On doit se demander qu’est-ce qu’on peut apporter à son pays, à la société et comment se prendre en main pour sa famille. 

50 ans après les indépendances, cet éveil tarde à se réaliser dans plusieurs domaines. Les jeunes peinent à s’émanciper en Afrique. Coment renverser la tendance ? 

Durant ce colloque, les experts qui viennent de nombreux pays d’Afrique et d’ailleurs vont voir comment mieux développer les ressources naturelles en sol et en sous sol dans ce continent afin que les jeunes, les populations puissent en bénéficier tout en créant des emplois. Un panel qui traite des ressources naturelles et de leurs transformations sur place sera organisé. Transformer les ressources naturelles sur place c’est une manière de créer des emplois, de la valeur ajoutée. Cela suppose des infrastructures en marche, une formation professionnelle et technique. Sinon ce n’est pas possible de transformer les produits sur place.
 
Pour ce faire le Gabon sera certainement un cas d’école, non ?
 
Nous allons étudier le cas du Gabon qui dans son industrie forestière a mis une politique pour que le bois soit traité sur place au lieu d’être exporté d’une manière brute. Ce pays a assuré la formation professionnelle à ces jeunes sur le bois et sur tant d’autres domaines. La rencontre va s’intéresser également sur les ressources minières. Car il y a de plus en plus de mouvements citoyens, d’associations et d’Ong qui se font remarquer dans un grand nombre de pays africains sur les richesses en ressources minières et, les populations n’en bénéficient pas suffisamment. Cette montée de prise de conscience est un développement positif. Après 50 ans d’indépendance, les choses progressent et les citoyens sont de plus en plus conscients qu’ils peuvent légitimement attendre des dirigeants élus qu’ils développent leurs pays avec les ressources précieuses, sans détruire l’environnement pour le bien de la majorité des populations.
 
Les ressources minières sont également sources de conflits en Afrique. Avez-vous prévu un mot là-dessus ?
 
L’idée du panel sur les ressources minières c’est aussi de voir les bons exemples. Evidemment il y a les mauvais exemples notamment dans les endroits où la richesse du sol ou du sous-sol devient un lieu de conflits, devient une occasion de pollution environnementale et crée des problèmes sanitaires pour les populations environnantes. Mais, il y a des cas positifs où de bonnes expériences sont développées. C’est le cas des entreprises qui savent que la responsabilité sociale et environnementale est fondamentale. Aujourd’hui, il existe des mouvements citoyens qui poussent dans ce sens là et exigent aux états à déclarer clairement les ressources financières qu’ils tirent des accords avec des entreprises extractives minières. Ce que le groupe des amis des pays la Francophonie veut faire, c’est partager les expériences positives pour que les autres puissent en bénéficier. Dénoncer les problèmes c’est important, mais il faut aussi proposer des solutions. C’est dans cet esprit qu’on aimerait partager avec les jeunes tout en cherchant des solutions constructives. Le dernier panel traitera du foncier et des terres arabes, entre autres. Il faut voir comment les faire fructifier sans les brader.
Il y a aussi l’exemple de ces pays qui se développent sans des ressources naturelles…
Je peux dire que oui un pays se développe sans ressources naturelles. Parce que mon pays, la Suisse, cette fois je parle en ma qualité d’ambassadrice, n’a pas de ressources naturelles. C’est un petit pays constitué en grande partie de montagnes donc, pas de ressources du sous-sol. La Suisse a misé sur la paix, la stabilité et le développement des ressources humaines. Elle a Suisse a investi beaucoup dans la recherche et le développement et, sa force économique réside surtout dans les petites et moyennes entreprises actives dans des secteurs très pointus : haute technologie, haute valeur ajouté. Des produits chers mais d’excellence qualité. Tout cela repose sur les ressources humaines avec une très bonne formation surtout professionnelle, technique, aussi avec beaucoup d’investissements dans la recherche pour être à la pointe. 
Dans la région africaine, il y a également un pays qui se développe avec peu de ressources naturelles. C’est le Cap-Vert qui se développe grâce à la bonne gouvernance. On ne mettra jamais en évidence à quel point la bonne gouvernance est une base essentielle pour le développement.
 
Que diriez-vous aux jeunes immigrants africains qui optent pour une nouvelle vie dans les pays francophones ?
 
Je pense qu’en principe chacun veut vivre dans son pays. Si on a des conditions de vie acceptables dans son fief où réside sa famille l’on n’aspire pas à aller vivre ailleurs. On aspire difficilement à quitter son propre pays et sa famille pour aller ailleurs. Encore une fois au regard du thème de cette conférence l’accent est mis sur la responsabilité des jeunes à construire le futur, c’est eux qui vont être des acteurs de développement. Essayons de les sensibiliser sur ces questions et d’alimenter leurs réflexions pour qu’ils puissent se faire leur propre opinion.
 
Mais si les jeunes préfèrent aller voir ailleurs, c’est souvent à cause des relations qu’ils ont avec leurs Etats. Hormis les recrutements dans l’armée et les forces paramilitaires c’est une relation presque insignifiante, non ?
 
Je n’ai pas cette impression. L’Etat s’occupe beaucoup de l’éducation et d’autres questions qui concernent les jeunes. Surtout que les jeunes veulent se faire entendre. L’exemple du Sénégal est illustratif. C’est un pays qui a un tissu associatif incroyablement dense et riche. Je trouve qu’il y a une conscience citoyenne bien présente. Et, les jeunes ont de l’espace pour se faire entendre. Les groupes de rap passent de forts messages de manière constructive et pacifique. D’autres associations existent aussi. Mais, surtout, il y a de nombreuses initiatives notamment les universités et instituts qui forment les jeunes à la gestion ou au leadership. Je pense qu’il faut un système éducatif qui permette aux jeunes de développer la créativité. Si on veut des jeunes adultes qui aient de l’initiative, de la créativité, de l’inventivité et qui puissent par exemple monter des entreprises en prenant leur destin en main, il faut que ces qualités soient développées et favorisées par le système éducatif.
 
Peut-on considérer cette conférence comme un des préambules vers du sommet de la francophonie?
 
Cette conférence est la troisième que le groupe des amis de la francophonie organisent au mois de décembre. L’année dernière, le thème portait sur la participation des femmes dans la politique et l’année d’avant la diversité des démocraties a été l’axe du colloque. Quant au thème que nous traitons cette année, c’est en résonnance avec beaucoup de réflexions et d’initiatives sur le continent. Parce qu’il y a de plus en plus de réflexions sur ces sujets-là qui trainent des signes positifs. Alors, ce sujet est un cheminement vers le 15ème sommet de la Francophonie prévu à Dakar en novembre 2014 où les jeunes et les femmes, vecteurs de développement, constituent le thème principal.

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